- Quelle est l'influence du Gulf Stream sur le climat actuellement ?
Le Gulf Stream est un >courant très intense que l'on trouve sur le bord ouest de l'Atlantique, au large de la Floride. Il est souvent assimilé à une circulation de plus grande échelle que l'on appelle la circulation thermohaline (Figure 1). Ce courant océanique transporte de la chaleur depuis l'équateur vers le pôle Nord (transport dit méridien) dans l'Atlantique. Il participe ainsi au même titre que l'atmosphère à l'atténuation en latitude des différentiels de chaleur entre équateur et pôles, dues à la rotondité de la Terre. Pour comprendre l'influence qu'a actuellement le Gulf Stream et plus précisément la circulation thermohaline sur le climat, il suffit de comparer la température de différents points du globe positionnés à la même latitude. L'exemple qui est souvent utilisé consiste à comparer des villes comme Montréal et Paris qui se trouvent à des latitudes voisines mais qui possèdent des climats très différents. Ce n'est pas un bonne exemple, car la principale cause de la différence de climat entre l'Europe et la cote nord-est de l'Amérique du Nord est surtout du au fait que les masses d'air bénéficient d'influence océanique quand elles arrivent en Europe, alors qu'elles ont été refroidies par une influence continentale dans le cas de la cote nord-est de l'Amérique du Nord. Ainsi il ne faut pas confondre influence maritime et effet du transport de chaleur méridien par l'océan. Une meilleure méthode pour illustrer l'effet climatique du transport de chaleur dans l'Atlantique Nord consiste à comparer des sites situés chacun sur le Bord Est d'un bassin océanique. Par exemple si l'on compare la ville de Bodo (Norvège, 67°N) et la ville de Nome (Alaska, 65°N), on a bien deux lieux situés environ à la même latitude, l'une sur bord Est de l'Atlantique, l'autre sur le bord Est du Pacifique, profitant donc toutes deux de l'influence océanique (Figure1). A Bodo la température en janvier est de -2°C en moyenne. Elle est de -15°C à Nome. Or, dans le Pacifique, il n'y pas de circulation thermohaline comme dans l'Atlantique. La différence de température entre ces deux villes est principalement du à cette absence de transport de chaleur méridien dans le Pacifique et à sa présence dans l'Atlantique. Ainsi on peut évaluer l'influence climatique total de la partie du Gulf Stream lié à la circulation thermohaline à environ 10°C, ce que confirme les études des climats anciens, reconstitué grâce aux carottes de glaces et de sédiments.
- Quelles sont vos hypothèses sur l'évolution du Gulf Stream dans les années, décennies à venir ? Quelles en seraient les conséquences sur le climat ?
- Pensez-vous que le réchauffement planétaire pourrait influer sur le fonctionnement du Gulf Stream ? De quelle manière ?
(une réponse pour les deux questions)
Pour évaluer le devenir de la circulation thermohaline dans l'Atlantique, les climatologues utilisent des modèles numériques. Ces modèles résolvent les équations issues de la mécanique des fluides et de la thermodynamique sur l'ensemble du système Terre. Ils sont extrêmement complexes puisque composés de différents sous-modèles représentant les différentes composantes du système climatique que sont l'atmosphère, l'océan, la glace de mer, la végétation… Le rejet massif de gaz à effet de serre (CO2 principalement) lié à l'activité humaine a perturbé et risque de continuer de perturber le bilan radiatif du système et d'engendrer un réchauffement planétaire important si les émissions de CO2 ne sont pas limitées de façon draconiennes. Cette augmentation des températures risque d'affecter la circulation thermohaline en modifiant les conditions en température et salinité au niveau du " talon d'Achille " de la circulation thermohaline : ses zones de plongées. Par zones de plongées, je veux parler de la mer du Labrador et des mers Nordiques situées en Atlantique Nord, où en hiver, les eaux chaudes et salées issues de l'Atlantique tropical refroidissent, ce qui a pour effet de réchauffer l'atmosphère, mais aussi d'alourdir la densité de ces eaux (dépendant de la température et de la salinité). Lorsqu'elles se sont suffisamment refroidies, elles vont devenir suffisamment lourdes pour plonger au fond des océans. Ce mécanisme aura pour effet " d'attirer " de nouvelles eaux pour les remplacer et contribuera ainsi à la circulation thermohaline.
Si la température de l'atmosphère augmente, le refroidissement des eaux des mers Nordiques sera moindre, de la même façon que si les calottes du Groenland fondent à cause de l'augmentation de température la salinité dans ces mers risque de diminuer. Les plongées d'eaux profondes seront alors réduites de même que l'intensité de la circulation thermohaline et du Gulf Stream. Ce type de phénomène est observé dans les scénarios du futur établis à l'aide des modèles numériques du système Terre évoqué précédemment. Cependant la diminution de la circulation reste relativement faible, et les études les plus récentes utilisant plusieurs modèles climatiques l'évaluent à environ 25% en 2100. Cette diminution aura cependant un impact bien réel sur le climat. Mais comme l'augmentation de la concentration de CO2 aura contribuer à augmenter les températures, l'effet de refroidissement associé à une diminution de la circulation thermohaline sera plus faible que le réchauffement dû au CO2, si bien que la somme des deux effets sera bien un réchauffement de l'Atlantique Nord, mais plus faible que dans d'autres parties du monde " grâce à " à la diminution de l'intensité de la circulation thermohaline.
- Pensez-vous que le Gulf Stream puisse un jour se décaler pour réchauffer d'autres zones ?
On peut très bien imaginer que les zones de plongées qui sont situées dans les mers Nordiques et la mer du Labrador migrent à cause d'un changement des conditions de température et/ou de salinité dans ces mers et que d'autres régions soient plus propices à un phénomène de convection. Cependant, ce n'est pas ce qui apparaît dans la plupart des modèles climatiques, où l'on observe une diminution de la convection principalement dans la mer du Labrador et très peu de déplacement des zones de plongées d'eaux profondes.
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